Dans la vie quotidienne nous avons l’habitude d’utiliser le terme « improvisation » comme synonyme d’« impréparation » ce qui est réducteur. L’indéniable « spontanéité » de l’improvisateur s’articule sur un fond de connaissances théoriques rigoureuses et d’exercices pratiques répétés ; en conséquence l’idée d’improvisation absolue, tirée du néant, reste un leurre. L’improvisation en général et l’improvisation jazzistique en particulier renvoient à une tradition partagée exigeant de longs efforts d’assimilation pour l’improvisateur comme pour l’auditeur. Si l’on se place d’un point de vue esthétique, l’improvisation n’est pas « œuvre », elle n’aboutit pas à la production d’une chose, l’improvisation est une performance. Éphémère, inachevée par nature, substituable à une autre, l’improvisation, en échappant aux réquisits propres à notre ontologie de l’art, vient en remettre les fondements en question. Toutes choses égales par ailleurs, l’improvisateur de jazz se trouve dans une situation similaire à celle du conteur tel que Walter Benjamin a pu l’analyser.