Nietzsche a dépeint l’Etat comme « le plus froid des monstres froids ». Machiavel a enseigné qu’il n’était pas soumis à la morale individuelle, juste à la loi de l’efficacité. Hobbes l’a vu comme nécessaire pour maintenir la paix civile et assurer la sécurité intérieure et extérieure. Les réalistes de toutes écoles renchérissent que seules comptent les convergences ou divergences d’intérêt : les relations internationales ne dépendent pas d’idéaux, de passions ou de proximités personnelles, politiques ou culturelles. Cependant Rousseau préfère penser que l’homme, naturellement bon, est corrompu par les institutions, et les relations internationales aussi perfectibles que l’humanité en général. Et les diverses formes d’écoles idéalistes jugent que la guerre et/ou la realpolitik ne sont pas des fatalités, ou encore qu’une politique extérieure à objectif moral et idéologique est préférable.
En géopolitique (le terme fut forgé par Leibinz), l’observation des faits historiques et de l’actualité géopolitique confirme-t-elle ou non ces diverses théories ?
Encore de nos jours, l’état de nature semble perdurer dans les Etats faillis ou inachevés. Des peuples entiers préfèrent s’en remettre à un nouveau Léviathan que jouir d’une anarchie malheureuse. De même, sans régulation publique et sans équilibre des puissances, combien d’individus et d’Etats vont dans l’Histoire aussi loin que leur intérêt les y pousse et que leurs moyens les leur permettent, et ne sont arrêtés que par une force opposée, et ce n’est pas le retour de la guerre sur le Vieux Continent qui le démentirait…
Il s’avère aussi que des politiques extérieures menées au nom d’impératifs idéologiques ou moraux peuvent souvent précipiter dans un enfer pavé de bonnes intentions. Les exemples à commenter ne manquent pas, du tsar Alexandre Ier fondant la Sainte-Alliance au président Wilson ou aux néoconservateurs, en passant par les Etats marxistes-léninistes et bien d’autres. Cependant, la paix qui règne entre les démocraties ou dans l’Europe unifiée peuvent aussi démontrer que le pessimisme au nom d’un réalisme crû ou cynique n’est pas toujours justifié.
Au confluent de la réflexion philosophique et de la connaissance historique, une mise au point pour tenter d’éclairer la marche des événements mondiaux.