En 2017-2018, Jacques DOLY a donné une série de sept conférences sur l'ouvrage d'Hannah Arendt, "Les origines du totalitarisme".
La conférence introductive, ci-dessous, est suivie par :
- Le totalitarisme est-il un mal radical ou un mal absolu ?
- Les droits de l'Homme face au totalitarisme,
- D'une société de classe à une société de masse,
- Autortarisme, tyrannie, totalitarisme,
- L'idéologie,
- Ce qu'est une société humaine.
Conférence introductive
18 octobre 2016
Comment qualifier le totalitarisme, mal radical ou mal absolu ?
L’institution des camps, camps de concentration et d’extermination, n’est pas un excès mais la norme de ce qu’est une société totalitaire. La violence qui s’exerce en eux est sans équivalent dans la mémoire de l’humanité. Comment alors caractériser la nouveauté d’un tel déchaînement du mal ? H. Arendt utilise deux adjectifs : mal radical et mal absolu. Pourquoi cette hésitation ?
L’objet de l’atelier sera de suivre sa réflexion qui part de la thèse kantienne du mal radical, la première dans le champ philosophique à admettre qu’il y a une positivité du mal. Mais il s’avère que ce concept de mal radical n’est pas à la mesure de l’expérience totalitaire, qu’il faut pour la comprendre aller au-delà jusqu’au concept d’un mal absolu, donc de se confronter à l’énigme d’un mal relatif à rien et à jamais refermé sur lui-même.
Cette réflexion permettra de rencontrer le traitement philosophique de la question du mal et de comprendre en quoi l’expérience historique contemporaine l’a fondamentalement renouvelée.
Texte de référence : H. Arendt, Le totalitarisme, ch. 3 Le totalitarisme au pouvoir.
Enregistrement sonore de la séance
8 novembre 2016
Les droits de l’homme face à l’expérience totalitaire
La proclamation des droits de l’homme, conquête de la philosophie des Lumières, a été sans cesse bafouée pendant le court XXèmesiècle (1914-1989) de sorte que H. Arendt a pu aller jusqu'à affirmer la fin des droits de l’homme.
Pourquoi cette expression paradoxale alors qu’à la suite de l’implosion de l’URSS la philosophie politique libérale a vu dans les droits de l’homme, leur reconnaissance et leur mise en œuvre, le moyen et le but de toute société politique. Expression en effet paradoxale à première vue puisque si les droits de l’homme sont bafoués c’est qu’ils existent et qu’ils doivent donc être respectés.
H Arendt nous invite à approfondir notre réflexion en posant la question ultime : qu’est-ce qui confère à un homme le droit d’avoir des droits ?
Texte de référence : H Arendt L’impérialisme, ch. 5 Le déclin de l’Etat-nation et la fin des droits de l’homme.
Enregistrement de la séance :
6 décembre 2016
D'une société de classe à une société de masse
Exposé de l'analyse que fait H.Arendt dans son ouvrage Les origines du totalitarisme des conséquences du passage de sociétés organisées en classes à des sociétés de masses. Ces conséquences ne sont rien moins que l'accès au pouvoir des mouvements totalitaires en Allemagne et en URSS au cours des années trente du siècle dernier. Ce passage pourrait-il se reproduire dans des sociétés contemporaines? Le spectre du totalitarisme s'est-il définitivement absenté de notre histoire?
(L'enregistrement a été perdu)
Trois formes de gouvernement : autoritarisme, tyrannie, totalitarisme.
Le terme de totalitarisme est le plus souvent uitilisé pour caractériser des pouvoirs politiques qui visent à imposer des restrictions autoritaires et arbitraires à la liberté. Ce sens, trop large et imprécis, risque de masquer que le totalitarisme est un tout autre danger politique : il ne s'agit pas seulement de limiter les libertés ou même d'abolir la liberté politique, mais d'éradiquer toutes les manifestations possibles de la liberté humaine par la terreur et le conditionnement.
L'atelier a analysé le lien entre idéologie et terreur totalitaire que H.Arendt établit dans son ouvrage Les origines du totalitarisme (1951). Elle cite Montesquieu selon lequel tout régime politique a besoin, en plus des lois qui le définissent, d’un «principe d’action». Ce principe est une norme à partir de laquelle gouvernants et gouvernés peuvent juger, au-delà de la stricte légalité, de la valeur de leurs actions dans le domaine public. Ces principes sont dans une monarchie l’honneur, dans une république la vertu, et dans la tyrannie la crainte. Dans un régime politique totalitaire ce principe est une idéologie. On a caractérisé le XXème comme étant le siècle des idéologies, or toutes les idéologies comportent en elles un ferment totalitaire. Qu'est-ce donc qu'une idéologie, en quoi a-t-elle la capacité de légitimer et de dissimuler à la fois le déchaînement de la terreur totalitaire ?
Travailler à répondre à cette question devrait aussi permettre de faire une distinction entre idéologie et philosophie, de distinguer le risque et l'insécurité qui sont les marques de la pensée philosophique de la clôture totalitaire à l'oeuvre dans toutes les idéologies.
Le totalitarisme est l'institution d'une société absolument inhumaine. Qu'est-ce alors que la condition humaine ? La réponse à cette question sera chercher en référence à un autre livre de H. Arendt, La condition de l'homme moderne(1958) où sont définies et distinguées les trois grandes dimensions de la condition humaine : le travail, l'oeuvre et l'action.