L'affaire SAFARI

ou comment faire des fichiers sur les personnes dans une démocratie?

Claude Poulain

juin 2022

En 1941, un Service National de Statistiques (SNS) entreprenait la création d’un « Répertoire de tous les Français » : pour chaque individu, il contenait son nom, son prénom, la date et le lieu de naissance et un numéro matricule à 13 chiffres qu’il gardera de sa naissance à sa mort. Ce numéro va identifier chaque individu dans les différents fichiers et registres tenus par l’administration. De la sorte, il devenait possible de rassembler pour un individu, toutes les informations détenues sur lui par les services administratifs, du ministère de l’Intérieur, de l’Education, des impôts, du Travail, de la Justice, etc.

En 1945, il devient le numéro de la Sécurité sociale qui vient d’être créée. En 1947, l’INSEE hérite du répertoire, le gère et continue à diffuser ce « numéro d’identité de Français » pour la Sécurité sociale donc, mais aussi pour plusieurs ministères (Éducation nationale, comptabilité publique, impôts, Intérieur, … En 1970, l’INSEE entreprend de l’informatiser, alors qu’il était jusque là sur cartes perforées. Il lui donne le nom de SAFARI (pour Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus). Mais en 1974, suite à un article du journal « Le Monde » intitulé « SAFARI ou la chasse aux Français », le premier ministre de l’époque, Pierre Messmer, ordonne de stopper immédiatement le projet et interdit tout rapprochement entre les fichiers de l’administration. Que c’était-il donc passé ? Comment ce « numéro de sécu » pouvait-il être à ce point dangereux ?

Le but de l’exposé est de raconter cette histoire peu connue, d’en présenter les enjeux et les principaux effets : la loi Informatique et libertés, de nouvelles méthodes statistiques pour rapprocher les fichiers, des façons de détecter les fraudes, fiscales ou sociales... SAFARI est un rare exemple d’un affrontement direct entre le pouvoir technocratique et le pouvoir politique. Qui va gagner ?