Si l’œuvre de la main est d’habiter le monde, d’y apposer la marque de sa spiritualité et de le transformer techniquement afin qu’il coïncide avec nos désirs, la caresse apparaît alors bien anodine. Loin de tout maniement, manœuvre et mainmise utilitaires sur le réel, elle se fait légère, évanescente, tout entière absorbée dans la surface qu’elle arpente. N’ayant d’autre fin qu’elle-même, la caresse ne laisse pas de trace derrière elle, puisqu’elle s’évanouit en même temps qu’elle se donne. Devons-nous alors conclure à son insignifiance ? Pourtant, ce tact du contact n’est pas si superficiel, ni si charnel que l’on pourrait le croire au premier abord, preuve en est : le réconfort que la caresse apaisante apporte tant à l’âme qu’au corps, l’émoi et l’exaltation que la caresse érotique suscite aussi bien dans la chair que dans l’esprit.
Aussi, afin d’appréhender au mieux un si charmant et déroutant objet d’étude, la méthode anatreptique (du grec anatrepô, signifiant tourner sens dessus dessous) semble la plus appropriée, en ce qu’elle cherche moins à énoncer une vérité, qu’à tourner en tous sens les arguments pour éveiller la pensée. Mettons donc nos sens et notre esprit sens dessus dessous afin d’exciter notre réflexion et percevoir, sous la surface de la caresse, toute la profondeur qu’elle recèle.